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© crédit Photos : Nathanaël Ho-Fong-Choy

Pourquoi en 1981 la féministe noire américaine bell hooks se réclame-t-elle de l’ancienne esclave noire Sojourner Truth qui osa affirmer qu’elle était « femme » même si elle était noire et esclave ? Pourquoi les femmes membres du collectif « Southall Black Sisters », d’origine asiatique, créé à la fin des années 70 en Grande-Bretagne se revendiquent-elles « noires » dans leur lutte féministe ? C’est pour tenter de répondre à toutes ces questions que le laboratoire MINEA organise un séminaire sur le féminisme post-colonialisme intitulé « séminaire FEMPOCO ». Celui-ci propose plusieurs rendez-vous autour de thématiques et d‘époques différentes.

Le « séminaire FEMPOCO » lancé dans le cadre du laboratoire MINEA par deux enseignants-chercheurs du DFR LSH, Tina Harpin et Ahmed Mulla, tente de répondre à des questions de ce type, en ayant pour objectif de mieux faire connaître l’histoire et la pensée des mouvements féministes et en particulier la mobilisation des groupes minorés dans ces débats. Pour comprendre comment des minorités ont pris position dans les discussions houleuses portant sur les droits des femmes, ce séminaire sur les féminismes postcoloniaux propose de relire des textes théoriques fondateurs et de découvrir de nouveaux auteurs. Chaque séance est organisée autour de lectures précises, et chaque année, autour d’un thème d’étude. En 2018, les chercheurs, enseignants et étudiants réunis dans ce séminaire s’intéressent à la pensée du féminisme noir aux Etats-Unis (Black Feminism) et aux constructions racialisées du genre que ce mouvement dénonce.

Les féminismes noirs en Grande-Bretagne

La dernière séance en date fut l’occasion d’une rencontre avec Mme Florence Binard, professeur des universités à l’Université Paris 7, spécialiste du féminisme, membre actif du CEDREF (Centre d’étude, de documentation et de recherches pour les études féministes), et Présidente de la SAGEF (Société Anglophone sur le Genre et les Femmes). Pour offrir un contrepoint à la réflexion sur le féminisme noir aux Etats-Unis, Mme Binard a présenté un exposé sur les féminismes noirs en Grande-Bretagne le 19 avril dernier dans une des salles de cours du bâtiment Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Guyane. Elle a montré comment l’adjectif « noir » était utilisé politiquement dans le contexte de crise du multiculturalisme d’État en Grande-Bretagne. Loin de référer à la couleur de peau, « black » renvoie à tous les groupes opprimés dans les années 70 en Grande-Bretagne. C’est pourquoi des féministes d’origine asiatique et parfois aussi de confession musulmane se liguent alors en un collectif anti-raciste et féministe nommé « Southall Black Sisters ».

L’époque édouardienne : des débats complexes autour des « féminismes »

Le vendredi 20 avril, Mme Binard a continué à démontrer la pluralité des « féminismes » en Grande-Bretagne en s’attardant sur la période édouardienne (autrement dit les années 1920) pour présenter diverses figures de féministes blanches aux prises avec les idées fortement racialisées de l’eugénisme. À l’époque, un certain discours fait des femmes anglo-saxonnes les responsables de l’avenir de leur « race » (considérée généralement comme supérieure du fait de l’idéologie raciste ayant cours dans cette société). Les femmes blanches britanniques se trouvent ainsi définies comme « les mères de la nation ». Comment défendre les droits des femmes dans un tel contexte ? Face à un public d’enseignants-chercheurs, de doctorants, d’étudiants curieux de Master et de Licences, Florence Binard a fait le portrait de militantes originales, parfois excentriques et pétries de contradictions mais toutes engagées dans le débat sur l’eugénisme et l’extension des droits des femmes. La maternité est-elle le destin unique proposé aux femmes ? Les femmes célibataires sont-elles « superflues » ? Peut-on éduquer sans être mère ? Le sport ne pervertit-il pas les femmes ? Les femmes sont-elles supérieures aux hommes dans la logique de l’évolution de l’espèce ? En synthétisant les informations contenues dans son livre Les Mères de la nation : Féminisme et eugénisme en Grande-Bretagne (Collection Racisme et eugénisme, Paris, L’Harmattan, 2016), Florence Binard a rendu compte de la complexité des débats qui faisaient rage à l’époque et a suscité l’intérêt le plus vif du public.

Un nouveau rendez-vous le 14 mai

Pour la quatrième séance du séminaire FEMPOCO, le lundi 14 mai à 18h à l’amphithéâtre E, les organisateurs recevront Audrey Célestine, maître de conférences à l’Université de Lille, qui présentera sa lecture de l’ouvrage de Cherríe Moraga et Gloria E. Anzaldúa, intitulé This Bridge Called My Back : Writings by Radical Women of Color (1981). Audrey Célestine fera aussi la présentation de son livre à paraître intitulé La fabrique politique des identités. Migrations et mobilisations caribéennes à Paris et New York le jeudi 17 mai à 18h en F108.

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