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Combler les blancs des cartes pour marquer ses frontières

Par 21/12/2023juin 17th, 2024• LEEISA, • LSH, • MINEA4 min. de lecture
Combler les blancs des cartes pour marquer ses frontières

Dans le cadre du séminaire « Frontières, circulations, interculturalités et interactions Hommes-Milieux », les laboratoires LEEISA et MINEA, en partenariat avec le DFR LSH, ont le plaisir de vous convier à une conférence intitulée « Combler les blancs des cartes pour marquer ses frontières ». Cette présentation sera animée par Matthieu NOUCHER, géographe et directeur de recherche au CNRS, et se tiendra le vendredi 12 janvier 2024 de 18h à 20h dans la salle F 002.

 

T oute cartographie présente ses propres blancs, ses lacunes ou ses oublis, volontaires ou inconscients. Les historiens de la cartographie ont souligné les enjeux politiques de ces silences cartographiques, en particulier durant les périodes de conquête coloniale ou lors du tracé des frontières. L’hypothèse au cœur de ce travail est que les blancs des cartes, loin d’être obsolètes, ont aujourd’hui encore, un potentiel heuristique pour analyser les enjeux politiques des représentations symboliques de la frontière. Alors que l’État n’a plus le monopole pour blanchir ou noircir la carte, comment les vides cartographiques sont-ils mobilisés pour (in-)visibiliser certains territoires ? Quels enjeux de (dé-)régulation informationnelle sont mis en évidence dès lors qu’on s’intéresse aux logiques d’omission aujourd’hui à l’œuvre, en particulier dans des zones transfrontalières aux contours parfois incertains ? Pour tenter de répondre à ces questions, l’Amazonie, plus particulièrement la Guyane, se révèle être un terrain privilégié. Historiquement et symboliquement marquée par les blancs des cartes, cette marge territoriale peut, à bien des égards, être aussi considérée comme une marge cartographique. Les enquêtes menées au sein de trois dispositifs métrologiques autour de la détection de l’orpaillage illégal, de la mesure de la biodiversité et de la cartographie des habitats informels permettent d’explorer des systèmes issus des sphères institutionnelle, scientifique, citoyenne et autochtone. En défendant l’importance de l’empirie pour rester au plus proche des acteurs (producteurs et utilisateurs de cartes), des systèmes (codes et données) et des méthodes (in situ et à distance) et en développant une approche à la fois multi-située et interdisciplinaire associant géographie, sciences de l’information géographique et études des sciences et techniques (STS), cette recherche s’inscrit dans le champ émergent des critical data studies. En s’appuyant sur ces études de cas, elle débouche sur une réflexion transversale sur les deux principales modalités de résistance au comblement des blancs des cartes observées des rives du Maroni aux confins de l’Oyapock : la contre-cartographie et la fugue cartographique. Ce faisant, cette proposition permet d’envisager, d’une part, une géographie des ignorances géonumériques qui révèle des savoirs oubliés, masqués ou détruits et, d’autre part, une géographie des résistances géonumériques qui rende visible des alternatives aux représentations spatiales dominantes. Considérées ensemble, ces deux logiques d’indiscipline carto-graphique permettent d’appréhender les blancs des cartes contemporaines comme une opportunité de diversifier nos manières de voir ces régions de frontières loin de n’être que des « mondes vides » comme on les qualifie parfois.

À propos du conférencier

Matthieu Noucher est géographe, directeur de recherche au CNRS au sein du laboratoire PASSAGES à Bordeaux, et directeur-adjoint du réseau français de recherche en sciences de l’information géographique (GdR MAGIS). Il a publié Les petites cartes du Web en 2017 aux Éditions de la rue d’Ulm et co-dirigé l’Atlas Critique de la Guyane sorti en 2020 aux Éditions CNRS. En juin 2023, il a publié Blancs des cartes & boîtes noires algorithmiques, une version remaniée et enrichie du volume inédit du dossier d’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) qu’il a soutenu en 2022, à l’Université Bordeaux Montaigne et qui sera de support à cette communication.

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